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Écrit par Administrator   
05-06-2007

La dynamique du transfert au creuset du travail analytique.

 

Jean-Luc Deconinck

 

1. La dynamique du transfert

 

Introduction

 

C'est un sujet qui a été peu abordé jusque maintenant. Il y a une dizaine d'années, Bernard This m'avait invité, lui à associer dans ma pratique de psychanalyse, le travail de contact et j'ai mis quelques temps avant de me mettre à associer contact et écoute psychanalytique dans les psychosomatothérapies (tout en pratiquant encore parallèlement la psychothérapie et la psychanalyse) et c'est Guy Van de Velde qui, devant mon hésitation m'avait un jour dit simplement :"Pourquoi pas ?" et voilà que quelques années après, nous nous retrouvons à pouvoir rassembler à l' A.B.S. comme cela toute une série d'années de pratique sur ce thème là.

 

Etant psychanalyste, j'ai peu d'occasions dans l'école de psychanalyse dont je fais partie, de parler de l'aspect du transfert dans la thérapie corporelle puisque c'est très peu audible par des personnes qui elles-même n'ont pas fait ce type de travail. Je me réjouis donc vraiment qu'il y ait des lieux qui puissent entendre et travailler ce genre de questions. Et l'A.I.S. en est un. Alors je vais essayer de vous illustrer une série de facettes que peut, à mon avis, prendre le transfert à travers des cas de psychothérapie, de relaxation, de psychosomatothérapie. Je vais bien sûr essayer d'être bref pour chaque cas, de ne pas décrire du tout l'entièreté du traitement, mais quelques points qui me semblent des points clés pour cette notion du transfert.

 

Transfert en position féminine et transfert kaléidoscope.

 

Le premier patient dont je vais vous parler et qui en même temps va illustrer un aspect du transfert, c'est un homme dépressif, qui dans le travail, manifeste très vite à mon égard, en tant qu'homme, un transfert particulier puisque ce qu'il vit lui dans ce transfert, c'est une position féminine. C'est un obsessionnel, mais qui vit à travers le travail corporel, le travail de contact essentiellement, un sentiment de perte dans le plaisir. Exactement, me dit-il, comme une femme qui n'aurait pas de satisfaction. Il faut signaler que c'est un patient qui a perdu sa mère très jeune, à l'âge de trois ans, et dont toute la problématique est axée sur cette perte. Je me suis posé la question : "Est-ce que c'est du fait de faire un travail avec un homme qu'il se positionnait de cette façon là?", comme s'il pouvait revivre par rapport à moi, à la fois la problématique de sa mère et celle d'une femme.

 

Je me souviens d'une séance où j'avais travaillé le contact avec ma main posée sur son ventre et l'ayant retirée, il avait ressenti un sentiment de vide, comme une femme après une naissance, me disait-il. Après un temps de verbalisation autour de cette question là, j'avais repris un temps de contact où la chaleur lui faisait cette fois penser à la position du petit enfant, à la chaleur du sein maternel, ainsi qu'à la satisfaction de la femme.

 

Vous voyez comment la problématique du transfert est tout à la fois liée à toute une série de personnages, puisque je définirais le transfert comme le fait de revivre avec le thérapeute, une série de sentiments, de situations vécues précédemment dans l'enfance essentiellement, avec d'autres personnes de son entourage. Et comment le transfert peut s'articuler pour l'inconscient d'une personne à l'autre, exactement comme dans un rêve où un personnage peut changer de facette, un peu comme un kaléidoscope. Voilà pour introduire le sujet du transfert.

 

Transfert à travers un rêve et transfert-portage.

 

A propos des rêves, je vais illustrer cette facette là par un travail avec une femme, un travail essentiellement de massage. Cette femme présentait une problématique corporelle, de tension, de torsion musculaire au niveau du bassin, mais aussi toute une problématique difficile quand à ses désirs professionnel et amoureux. Elle vient au cours d'une séance avec un rêve où elle a vu un vieux monsieur qui descend d'une échelle et suite à cette image là, lui vient l'image d'elle-même qui a son bassin en torsion, ce qui était le cas au niveau physique. Donc, elle se voit seule, c'est la seconde image du rêve, avec son bassin en torsion, l'échelle se pose à terre, et elle n'arrive pas à monter sur l'échelle alors qu'elle le voudrait. Et puis cette échelle devient un homme couché.

 

Vous voyez déjà toute la problématique du désir, la problématique sexuelle qui apparaît dans ce rêve et lorsque, suite au travail sur le rêve, elle se retrouve sur ses pieds, elle ressent une perte de conscience au niveau de son bassin. Tout cela est comme un rêve, un rêve qui vient bout à bout au cours de la séance, puisque cette dernière image, qui est toujours l'image du rêve, vient au moment où elle se relève. Il y a donc cette perte de sensation au niveau du bassin, pour cette femme qui essaie de s'accepter elle-même, et qui essaie aussi, c'est mon sentiment, de se porter elle-même. C'est vraiment à partir du bassin que l'on peut se porter soi-même.

 

Et nous travaillons alors un temps en position debout, elle a alors cette sensation, à partir de cette perte de réalité au niveau de son bassin, de devenir une enfant, dans l'eau, une enfant nue dans l'eau, qui grandit. A partir de là, s'amorce, pour elle, un désir de changement dans sa vie, dans son travail et dans ses relations.

 

J'ai terminé la séance par un travail en position assise: travail de libération des tensions au niveau de sa tête, de son dos. En sentant ce qui venait dans son mouvement, ce travail m'a invité à bercer son bassin, ce qui a été suivi, à la fin du contact, par un mouvement de sa tête qu'elle a fait d'elle-même et qu'elle a pu amplifier.

 

A travers cette séance là, il me semble assez intéressant de voir comment le transfert se porte à travers un rêve, cette histoire du monsieur, mais aussi comment, à travers le rêve, grâce au support du transfert, puisque transfert veut dire aussi porter, porter quelqu'un à travers et c'est bien quelque chose qui est manifeste dans le travail corporel, nous portons la personne dans le contact et dans le prolongement également. Et donc, il peut émerger toute une série d'images concernant cette femme, la concernant elle, enfant, bébé, puis grandissant. Tout cela s'articule autour de son angoisse quant à son propre désir.

 

Dans une séance suivante, apparaît alors la colère, la colère de tout son corps, comme elle le dira: "Tout mon corps est en colère". La faisant associer là dessus, elle évoque alors son père, son père qui ne l'entendait pas, qui n'entendait pas particulièrement son désir à elle. On retrouve de nouveau dans le cas de cette jeune femme, toute la problématique du transfert kaléidoscope où on passe à travers le transfert d'un personnage à l'autre, mais ce qui me paraît particulier justement dans le travail corporel, c'est que cela peut se comprendre, au sens de prendre, de rassembler, par le travail corporel, à travers la sensation et arriver à faire une espèce d'assomption de ces différents personnages et de leur rôle dans sa vie.

 

Transfert par rapport au couple parental et transfert par rapport à certaines parties du corps.

 

Pour avancer un peu plus loin, et vous montrer comment, à travers certains évènements, et certaines personnes qui sont évoquées dans le travail thérapeutique, celui-ci peut avancer, je vais prendre le cas d'une autre jeune femme, qui elle venait pour un problème similaire, également pour un problème de torsion, de tension dans le bassin, se marquant très fortement. C'est quelqu'un qui n'arrivait plus à bouger quand elle est venue me voir, que l'on portait, qui malgré tous les examens négatifs, mis à part des tensions musculaires, présentait vraiment une torsion du dos à la fois dans la scoliose et dans la cyphose. Son bassin était vraiment, lorsqu'elle faisait quelques petits mouvements comme en contraction, disait-elle, le terme a son importance, d'où les torsions qui étaient vraiment spectaculaires à voir.

 

Elle vient me voir après avoir téléphoné à sa mère, et c'est important, parce que d'emblée ce transfert s'installe dans cette connotation maternelle. Sa mère lui a finalement raconté, parce que cette patiente n'en pouvait plus de souffrir du dos, une partie de son histoire: elle avait été dans un lit en plâtre à l'âge de sept mois pour un problème de hanche. Et là dessus, la patiente enchaîne avec l'histoire qui concerne son père. Elle me dit: "Mon père, au fond pour moi, à cause de cette problématique de hanche, vivait comme un thérapeute".

 

D'emblée, pour moi, le transfert s'installe là au niveau du couple parental et d'autant plus que, comme je viens de vous le dire, il fut nécessaire que nous la portions, son mari et moi, pour la déplacer jusqu'à mon bureau. Moi-même aussi, je devais la porter pour l'allonger et pour travailler. Très vite, le travail fait en sorte qu'elle n'a plus mal, les torsions sont encore là mais la douleur a disparu, son dos tout doucement se redresse, et à un moment donné vient une problématique que je trouve intéressante dans le transfert, c'est que, lorsqu'elle est assise, elle a l'impression que ses genoux sont une coupure dans son corps. J'écris "je-nous" justement en insistant sur cette écriture, parce que je pouvais y entendre le je et le nous, articulation entre elle et ses parents, et, c'est un autre aspect intéressant du transfert, entendre certaines parties du corps comme étant elles-mêmes, témoins de quelque chose qui revient de l'histoire de l'enfant avec ses parents.

 

Entendant cela, nous continuons le travail, elle couchée sur le côté, les genoux repliés, les genoux déposés tous les deux sur le matelas, dans un mouvement, je dirais d'enveloppement. Cette partie là du travail a mené à ce qu'elle puisse arriver à se trouver cette fois en sécurité lorsqu'elle était assise, sans cette coupure, et à ce qu'elle commence également, lorsqu'elle était en position couchée, à pouvoir être dans le mouvement, ce qui n'est pas évident dans un travail corporel. Arriver à laisser venir le mouvement, debout ou assis, cela a l'air assez évident dans la vie de tous les jours. Mais c'est aussi important, en position couchée, à partir de son bassin, parce que le mouvement partait du bassin, de pouvoir exprimer quelque chose par le mouvement.

 

Certaines parties du corps comme le genou peuvent à la fois connoter quelque chose de l'histoire et peuvent exprimer, manifester ce qui est en train d'être en mouvement dans l'histoire de la personne. Et le bassin particulièrement, pour moi, est important, mon travail s'inspirant largement de l'haptonomie, parce que je pense que toute la sécurité y trouve sa place.

 

Lorsque la sécurité trouve sa place, quelque chose de plus peut advenir dans le travail: ici c'était un rêve où son père étouffait. C'était très angoissant pour elle, et c'est un travail de bercement que je lui ai proposé après ce rêve, où l'image de la mère s'associe à l'image du père, tous deux n'arrivant pas à lui dire ni oui ni non lorsqu'ils discutaient avec elle, la laissant donc dans l'incertitude quant à son propre désir à elle. On voit bien le lien avec l'étouffement, quant au désir.

 

Après ce temps là, vient un moment où elle peut commencer à être touchée. Il y avait eu du travail de contact au préalable, mais c'était toujours très douloureux, très difficile pour elle, et c'est elle qui me dit "Maintenant mon dos peut être touché".

 

Vient alors un épisode particulier où elle revient de vacances en me disant qu'elle croit être enceinte, donc elle en a le sentiment, l'intuition, et comme elle a déjà eu d'autres enfants, ce qu'elle sent, elle pense que cela se situe vraiment au niveau du senti et non pas du phantasme. Il est intéressant de noter que lorsque je lui demande - c'est il me semble, une chose parfois importante à questionner - où pense-t-elle que cet enfant a été conçu, elle me dit "A Prague". Or, il se fait que juste avant qu'elle ne parte en vacances, je lui avais annoncé que je partirais après son retour et dans la discussion, elle m'avait demandé: "Où?" et je lui avais dit "A Prague".

 

On retrouve là évidemment quelque chose de très marqué au niveau du transfert, je vous renvoie à ce qui avait effrayé, aux premiers temps de la psychanalyse, Breuer, qui avait d'ailleurs fait suspendre un traitement parce qu'il pensait qu'il était pour quelque chose dans la venue d'un enfant chez une de ses patientes.

 

Ce qui est intéressant, c'est que cet épisode renvoie à un épisode antérieur pour elle: sa mère a perdu son mari, son père à elle, alors que sa mère était à nouveau enceinte. Et évidemment ici aussi, il y a une relation directe dans la mesure où j'allais partir et voilà qu'elle est enceinte également avant que je ne parte. Donc comme son père qui est "parti" alors que sa mère était enceinte.

 

Cette patiente était effectivement enceinte elle-même et le travail s'est continué, elle a mis au monde des jumeaux sans aucun problème, ayant retrouvé toute la mobilité de son bassin. Cela me semblait donc intéressant par rapport à ce qui s'est passé avec cette patiente de pointer à la fois le transfert par rapport aux parents d'une part et d'autre part le transfert par rapport à certaines parties du corps, voire par rapport à ce qui s'exprime aussi, ici, dans la conception.

 

Transfert hystérique: par rapport à l'enfance et de tous les jours.

 

Pour illustrer un autre aspect du transfert, je vais aborder une problématique plus typiquement, je dirais, de type hystérique puisqu'ici, il s'agit de quelqu'un qui ne souffre pas particulièrement de problèmes physiques au point de départ, plutôt quelqu'un qui ne trouve pas ses mots et qui a peur de la parole. Tout un travail se met en place sur cette problématique là, avec quelqu'un qui n'a pas spécialement de tensions corporelles, mais qui a la particularité de prendre énormément de médicaments: automédication d'antidépresseurs et toutes sortes d'autres drogues, et qui dit ne pas être heureuse. Comme sa mère l'exprimait également après la mort de son mari, donc de son père à elle.

 

Directement s'enclenche ici de façon claire un transfert de type hystérique avec néanmoins, après un certain temps, le corps qui parle, puisque, voilà qu'elle se plaint de ce que son bassin, ici aussi, prend une tournure particulière, il part en arrière droit et la tête part elle en avant droit. C'est assez inconfortable évidemment comme position. Elle associera là dessus qu'elle veut se cacher. C'est quand même particulier de mettre sa tête en avant pour se cacher. Peut-être "se cacher" dirait davantage l'insécurité qui se dégage au niveau du mouvement du bassin vers l'arrière.

 

C'est important parce que le travail de contact avec elle va être parfois très angoissant, même lorsque elle quitte la séance. Et l'aspect sécurité est une particularité du travail de contact, mais qui, bien sûr, peut révéler une insécurité chez le patient: l'insécurité du tout petit enfant qui est laissé à lui-même.

 

Cette insécurité se manifeste aussi chez elle par ses respirations très courtes, et voilà, là quelque chose de l'ordre d'un signal, on pourrait presque dire, au niveau corporel qui annonce également chez elle toute la problématique de la mort du père. Cette respiration courte est liée à l'arrêt de la vie chez son père, et paradoxalement à sa mère qui, alors que son père a sa respiration qui s'éteint, crie, elle pour demander de l'aide à la sa fille alors enfant. Alors qu'elle appellait son enfant à l'aider en tant qu'enfant adultifié, ultérieurement, lorsque la future patiente devient adulte, sa mère la considère alors comme une enfant.

 

Cet aspect là a été davantage mis en lumière par un travail particulier que j'ai fait très souvent avec elle, qui est de travailler un massage très léger de tout le corps, un massage d'effleurage, côté par côté. Par exemple, d'abord le côté droit sur toute la longueur, puis le côté gauche. C'est un travail souvent très intéressant dans la mesure où les sensations peuvent être différentes d'un côté et de l'autre, et parce qu'on peut faire associer après chaque partie du travail. Ici, chez elle, ça amenait cette particularité qu'elle était chaque fois prise entre deux personnes, la droite et la gauche, le père et la mère, exactement comme elle reproduisait cela actuellement dans sa vie, être prise aussi entre être enfant et être adulte. Etre quelqu'un déjà âgé et être encore comme une petite fille: elle reproduisait cela également dans ses relations de la vie de tous les jours, où constamment, au niveau médical, elle "prenait" toujours deux médecins entre lesquels elle oscillait, recherchant - auprès des médecins masculins, évidemment - les sensations que son père lui procurait.

 

J'écrivais tantôt que certains organes peuvent donner à entendre une symbolique, ce ne sont pas des symboliques qui sont nécessairement toutes faites.

 

Après avoir travaillé cette problématique entre les deux médecins, elle développe quelque chose à montrer au médecin, qui est un chalazion: c'est une petite excroissance externe au niveau de l'oeil, sur la paupière, qui est purulante. Donc elle développe cela à l'oeil, mais elle associe là dessus très rapidement comme étant: "Regardez, j'ai un chalazion, je suis comme un chat. Ah non, ça là non!" Ce n'est pas moi qui le dit, c'est elle qui associe cela comme ça. Voilà une association tout à fait inattendue évidemment pour quelque chose qui n'a pas de sens à priori et dont le sens ne peut venir que de ce qu'elle en dit.

 

Tout doucement le transfert commence à se résoudre, mais justement, prend une connotation différente, c'est aussi une chose intéressante de voir que, à la fois le transfert est, comme je l'écrivais plus haut, quelque chose qui amène une problématique par rapport à l'enfance, par rapport à ce qui s'est passé avec les parents, mais à la fois, évidement, il se fait partout le transfert, pas rien que dans la thérapie, il se fait avec le médecin, avec le coiffeur, avec le boucher, bien sûr aussi avec le mari.

 

Puisqu'ici, vient alors un temps d'analyser, je dirais, ce qui se passe dans ce tel transfert dans sa vie de tous les jours, ce qui se passait avec ses parents commençant à être un petit peu décanté, elle voit alors qu'au fond qu'elle a fui son homme lui apparaissant comme une mère pour la soigner, mais aussi comme une mère qui la bat - son mari étant par moment assez violent -. Qui la bat et donc qui la frustre.

 

C'est à travers ce temps là du transfert qu'elle parvient à énoncer ce qui fait son phantasme à elle, c'est très important, également en psychanalyse, de voir la fin du traitement aussi comme un moment où quelque chose peut s'énoncer du phantasme que l'on a, par rapport à la façon dont on tisse les relations dans sa vie, son phantasme étant, je pense, celui-ci : je ne fais pas le deuil de mes parents, parce que je ne peux pas être agressive vis-à-vis de mes parents. Si j'étais agressive, je pourrais avoir souhaité leur mort. Je n'ai pas souhaité leur mort, je préfèrerais qu'ils soient encore vivants. D'autant plus, dit-elle, que sa mère avait, après la mort de son père, pris comme compagnon un homme homosexuel, dont elle s'était défait par la suite. Il n'était donc pas question pour elle de prendre un homme et de s'en défaire par la suite, de faire comme sa mère, mais au contraire, de se soumettre à son homme.

 

Evidemment, cela ne va pas sans culpabilité que de se mettre dans une position masochiste, culpabilité qui bien sûr, comme disait Freud, n'est jamais la culpabilité par rapport à ce qu'on annonce, mais une culpabilité par rapport à une autre chose, bien plus antérieure, donc cette culpabilité la renvoie à sa mère, à la promesse qu'elle avait faite à sa mère après la mort de son père, de l'aimer toujours, sa mère. Cela amène chez elle une série de sensations, dont celle de son estomac vide, elle qui développe une série d'ulcères à l'estomac, et cette sensation de ne pas pouvoir respirer, exactement comme son père, dont j'avais dit la problématique concernant la fin de la respiration, la fin de sa vie. Ce sont des messages sans parole d'abord, puisque ce sont des sensations au niveau corporel, mais que le contact arrive à débloquer chez quelqu'un qui n'arrive pas toujours à mettre des paroles, puisque la problématique de départ était bien celle là : je viens vous voir parce que je ne peux pas mettre des paroles sur ce que j'ai. Mais que des sensations arrivent à dire néanmoins, c'est par exemple la sensation d'être dans l'élément eau. Simplement, ne pouvoir dire que ça en une séance, pour pouvoir après aller un peu plus loin.

 

Pour arriver finalement vers la fin du traitement, à ne plus accepter l'autorité de personne qui puisse être en place du mari, à être moins touchée profondément par le fait que les autres pensent différemment d'elles et à pouvoir poser des actes et même dire des paroles au bon moment. Au fond, à ne plus devoir prouver qu'elle est différente de sa mère, ce qu'elle avait dû faire aussi pour être enceinte de ses enfants, parce que sa mère lui avait dit qu'elle ne pourrait jamais être enceinte, qu'elle n'en serait pas capable, à ne pas devoir non plus le prouver uniquement pour son homme, mais d'exister par elle-même. Donc d'être moins dépendante aussi.

 

La dépendance se revit grâce au transfert.

 

Ceci me semble aussi important. On entend parfois dire, que le transfert crée une dépendance, c'est le contraire.Si le transfert est là pour revivre des situations antérieures et que le thérapeute est là pour occuper une place qui permette que ça se fasse, ce n'est pas une dépendance dans le transfert dont il s'agit, mais c'est une dépendance qui se revit grâce au transfert, ce qui n'est pas la même chose.

 

Transfert - construction symbolique

 

Je terminerai par un cas très différent, qui est un cas de psychose, de psychose schizophrénique, j'ai beaucoup travaillé et je travaille encore avec des schizophrènes actuellement, et je pense que le travail corporel dans certaines conditions qui sont différentes selon chacun est souvent un préalable à un travail de psychanalyse, de psychothérapie, avec les psychotiques. Mais j'ai écrit "dans certaines conditions", et avec ce patient ci, cétait un travail corporel qui n'était un travail de contact, mais un travail de relaxation, un travail de contact à distance par moment. Mais il avait dit d'emblée qu'en tous cas, il n'aurait pas supporté le contact direct. Et pour cause. Le premier contact à distance ravive chez lui cette image d'un père, très peu présent symboliquement, dont les seules interventions sont du style: le tirer par les cheveux ou l'envoyer dans sa chambre et le priver de nourriture, où la seule constituante paternelle est au niveau du fait de se battre.

 

Dans ces conditions, la jouissance du corps fait irruption et donc, au cours du travail, il arrive à dire ceci: au fond, il jouit de son corps, mais il n'arrive pas à garder la présence du travail qui a été fait, après la séance. En même temps, il ne se sent pas vulnérable, c'est quelqu'un qui a déclenché sa psychose à l'âge adulte, ça ne s'est pas manifesté étant enfant, c'est une psychose déclenchée, donc il a une certaine sécurité néanmoins. Il a travaillé, il a fait des choses d'ailleurs très géniales, il est psychotique et vraiment c'est un génie. La psychose s'est déclenchée lorsque, comme il le dira lui-même: "J'ai accouché de ma première fille". Et dans la suite, "J'ai accouché à mon propre accouchement". "Ce en quoi Dieu m'aide", dira-t-il.

 

Dieu est dit ici remplacer le père ou encore la mère puisqu'il dira que sa mère est comme une sainte et il fera beaucoup de lapsi en mélangeant père et mère, en insistant bien que je ne le touche pas, puisque au fond, il attend l'ordre de son père pour se relever ou pour changer de position dans le travail. Il ne s'agit donc pas évidemment que j'incarne ce père, incarne dans le sens de le toucher. Voilà quelqu'un qui dans sa position est interdit de penser à lui-même, a peu de relations affectives, et se trouve dans une situation où le travail va lui permettre de passer d'une position où il porte le monde sur ses épaules, à une demande d'analyse, après justement ce bout de travail corporel. Dans ce cas ici de psychose, évidemment, le transfert est très différent, puisqu'il s'agit là non pas de se substituer au père mais de substituer au délire, dont j'ai donné quelques phrases, de subsituer à ce délire du père qu'il essaie à tout bout de champ d'appeler, parce que ce père n'a pas joué sa fonction, une construction de quelque chose: une métaphore du délire qui permette que ça tienne, que "ça" tienne quelque chose au niveau du symbolique dans sa vie.

Remarque:

ce texte a été proposé comme point de départ de réflexion lors d’une soirée des "lundis de l’ABS". Cette intervention orale a été ci-dessus retranscrite.

 

Jean-Luc Deconinck, psychologue, psychanalyste, psychosomatothérapeute s’inspirant entre autres de l’haptonomie.

Clos du Sadin, 62

B - 1420 Braine l’Alleud

Belgique

 

 

Dernière mise à jour : ( 14-06-2007 )
 
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