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Écrit par Jocelyne Baudet-Cordier   
05-11-2008

Muriel vient de vous présenter un exemple d’interprétation verbale en psychanalyse classique. Je voudrais aborder avec vous un autre type d’interprétation, qu’est l’interprétation corporelle. Car, au même titre que les interprétations verbales en psychanalyse, la somatanalyse propose aussi des interprétations corporelles puisant dans certaines techniques corporelles (massage, mobilisation passive, relaxation, états de conscience modifiés, travail de la voix, de la respiration, du mouvement, etc.).

Ce travail pouvant amener chez ces patients un éveil de la sensorialité et à partir de nouveaux éprouvés physiques, de pouvoir les nommer, donc de les symboliser et petit à petit (si c’est possible) de construire un chaînon manquant consolidant ainsi les défenses psychiques.

 

      Je cite ici Geneviève Liénard.

 

      «  … C’est le passage subtil du rien vers quelque chose qui signe le développement progressif de la capacité de sentir, de percevoir et d’éprouver dans son corps et par son corps.

C’est l’acquis psychosomatique fondamental qui permet que se noue le lien entre la chair et l’histoire du patient qui rend possible la relation.

Car la relation ne peut s’établir qu’en passant par l’itinéraire de l’éprouvé, du vécu corporel en tant que « corps perçu » avant de pouvoir devenir « corps exprimé ».

C’est le fil conducteur du traitement thérapeutique qu’il soit psycho ou somato … »

 

G. Liénard (1)

 

« Le psychisme est initié par le perceptif.  En effet, c’est par l’éveil sensoriel que la capacité du ressenti va se déployer, permettant à la personne de vivre, de vibrer, d’exister enfin dans ces racines biologiques et relationnelles »

 

G. Liénard (1)

 

 

Je vous propose d’enchaîner avec le suivi en somatanalyse d’un enfant asthmatique et de faire le parallèle avec la pensée de J.-M. D.

 

         presentation

 

         -     Marcel est un enfant asthmatique, allergique et ce dès les premiers mois de sa vie.  Né prématurément, il est séparé précocement de sa mère par un séjour en couveuse, par des hospitalisations fréquentes et ensuite, séparé de son père qui quitte le domicile conjugal.

 

 

 

 

 


(1)           Cours de formation EBS.

                La symbolisation en somatanalyse, ou la somatose de transfert.

 

         (D’après L. Kreisler, de 0 à 6 mois les défenses psychosomatiques sont alors assurées par la fonction maternelle, l’interaction règle l’équilibre psychosomatique).

 

-         A l’âge de 4 ans il est placé dans l’enseignement spécial et en internat.

 

 

         son portrait

 

-         C’est un enfant plutôt agité, instable, testant les limites.  Son mode d’expression était essentiellement moteur, mettant son corps dans une répétition de mouvements.

 

-         Son rapport à un corps « souffrant » en crise d’asthme était de l’ordre du clivage, ne sentant pas la crise arriver, ne montrant pas de signe d’angoisse, continuant ses activités malgré la détresse respiratoire que je décelais.

(Les crises survenaient, entre autres, suite à un retour en famille ou à une situation conflictuelle à l’internat ou à l’école)

Marcel ne faisait pas le lien entre la crise et la situation déclenchante.  Pour lui, l’allergie était responsable.  On est donc ici en présence du phénomène de forclusion.

 

-         L’expression de son ressenti était pauvre, mettre des mots semblait difficile, l’émotionnel était bien cadenassé avec peu de coloration affective dans ses propos et attitudes (on retrouve ici les concepts d’alexithymie et de pensée opératoire).

 

-         Il acceptait le contact, le toucher, même s’il en éprouvait du déplaisir et ce dans une attitude de faux-self (représenté par toute l’organisation que constitue une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve).

 

-         C’est avec son accord qu’un travail individuel en somatanalyse a commencé (en parallèle avec les soins médicaux et une participation au groupe de psychomotricité relationnelle).  Il a alors 12 ans.

 

         En résumé

                        Expression ++ dans l’action, la mise en tension de son corps.

                        Pauvreté au niveau de l’imaginaire, et la symbolisation.

                        Peu d’expression émotionnelle (ébauche de contact affectif).

                        Faux-self.

 

         Où Marcel se situe-t-il dans le somatogramme ?  (Avant les séances de somatanalyse).

 

 

              Lieu de mort au niveau de la fonction viscéro-sensitive ou sensation (S)

 

               Lieu en suspens   au niveau de la fonction psycho-associative ou intuition (I)

                                             au niveau de la fonction psycho-dissociative ou réflexion (R)

 

               Lieu de vie au niveau de la fonction musculo-tensionnelle ou tension (T)

 

-Avec Marcel, là où les mots n’avaient pas encore de sens, entrer en relation

par le corps (revenir à un langage archaïque, à la mémoire infra-verbale      des éprouvés sensori-moteurs)– était une approche qui j’espérais, le ramènerait vers lui, en sécurité, à la découverte de sensations internes et à un rassemblement de son corps, avec la perception de son enveloppe corporelle.

 

De la relaxation sur matelas d’eau, au bercement, au massage, aux percussions de son corps, à l’expression graphique jusqu’à se blottir dans mes bras, Marcel a petit à petit ressenti, mis des mots, exprimé des émotions et commencé à se raconter.  Suivirent les premiers pas vers l’autonomie, l’affirmation de soi.

Quant à l’expression somatique (l’asthme) elle évolua de façon inversement proportionnelle aux expressions verbales et émotionnelles.

 

De ce travail en somatanalyse, j’aimerais en extraire chronologiquement 3 moments représentatifs :

 

Le premier se situe au début, dans les premières séances de somatanalyse.

 

… Avant d’accueillir Marcel, j’apprends par son éducatrice qu’elle l’a giflé suite à « un comportement violent qu’elle trouvait «  inadmissible ».

Lorsqu’il arrive en séance, il est anormalement passif, et s’installe sur le matelas en position fœtale tout en se balançant (forme de bercement).

Ce qui résonne chez moi de façon tangible c’est la Tristesse et la Solitude.

Je l’invite à se raconter.  Il va alors me décrire brièvement la bagarre avec son copain mais n’évoquera ni la gifle, ni l’émotion, ni la douleur (la joue était fortement gonflée).

 

 

Hypothèse     -    comme si cet évènement trop douloureux devait être effacé du champ de la conscience, c’est-à-dire forclos.

 

C’est alors que je lui fais part de ce je ressens ; je lui dis que j’ai l’impression qu’il est triste et je lui demande si la gifle lui a fait mal.

Il m’a regardée intensément comme si pendant un instant il se réappropriait un vécu et sa coloration affective.

 

Comme si en utilisant mes émotions contre-transférentielles en lui « prêtant » ce ressenti, en le signifiant cela lui permettait d’accéder au sien.

 

Le deuxième moment montre l’évolution qui s’opère au niveau de la réflexion et de la libre association et ce, au départ de sensations corporelles.

 

Nous sommes toujours sur le matelas d’eau et Marcel le trouve plus gonflé que d’habitude.  Il voudrait être à l’intérieur de celui-ci, dans l’eau.  Il dit que cela pourrait être bien mais se demande s’il fera noir et pense qu’il ne pourra pas respirer.  J’associe ses propos au bébé dans le ventre de sa maman baignant dans le liquide amniotique.  Comme il écoute attentivement et qu’il pose beaucoup de questions, je continue avec l’oxygénation in-utéro  et la respiration pulmonaire à la naissance, cet air qui gonfle les poumons comme des ballons.

Il conclura spontanément par deux dessins très significatifs.

 

Au départ d’une sensation corporelle (ce matelas plus gonflé), du désir signifié d’être à l’intérieur, avec le sentiment que ça peut être bien, de l’association qui me vient et que je lui soumets (le parallèle avec le bébé in-utéro), Marcel semble se reconnecter avec un moment important de sa vie et l’exprime, le symbolise graphiquement.

 

Le troisième  moment est à mi-chemin du travail en somatanalyse.

 

… Marcel a récidivé au niveau de la maladie.

En rentrant à l’école, après les vacances scolaires passées en partie avec sa famille, il présente une bronchite asthmatiforme importante.

Il arrive en séance avec une demande précise par rapport au temps corporel – Après celui-ci (la mise en jeu de nos corps) nous somme couchés côte à côte sur le matelas (pour le temps verbal).  Marcel me parle alors de la bronchite :

         « Pourquoi l’a-t-il attrapée ?  Il évoque l’allergie, sollicite des explications.  Je lui fais remarquer que bien qu’il soit allergique aux acariens et à certains animaux, il n’a pas de réactions lorsqu’il se rend au manège ou lorsqu’il fait un séjour à la ferme.

Il associe et demande « est-ce que l’allergie peut partir ? »  Ce à quoi je réponds affirmativement en lui faisant part de ma conviction profonde et de la réalité que j’ai pu observer.

 

 

De cet extrait de séance, on peut poser l’hypothèse que l’angoisse de séparation forclose (liée au retour de vacances) est exprimée somatiquement par la bronchite asthmatiforme.

 

Marcel va mettre en scène dans le jeu corporel (peur, monstre …) une réalité interne et pour la première fois va parler de sa maladie et réfléchir sur celle-ci.

C’est à partir de cette séance que les épisodes asthmatiques ont cessé.

 

Au niveau du somatogramme, on peut dire qu’il commence à explorer S, I et R et que les liens se forment.

 

 

portrait de marcelen fin de somatanalyse

 

               de la tension de son corps

               de l’expression verbale

               de l’expression émotionnelle

               de la sécurité de base

               voir disparition de l’asthme (de l’expression somatique)

 

 

pour conclure cette partie pratique

 

La spécificité de la somatanalyse qui est de recevoir l’être humain dans sa globalité par une écoute psychocorporelle analytique et émotionnelle, -chez Marcel qu’est-ce que l’asthme nous dit de son histoire ?  Que camoufle-t-il comme angoisse ?  - va permettre que s’installent des voies de frayages entre corps, psyché et affects, - à partir de sensations corporelles et dans le contact affectif, Marcel va petit à petit se réapproprier consciemment le plaisir la colère, la tristesse, la peur et pouvoir verbaliser, associer, imaginer et raisonner sur son histoire – liens unifiants remplaçants les clivages – on peut dire qu’au départ l’asthme était vécu par Marcel comme quelque chose d’extérieur à lui quant à la cause (l’allergène : les acariens) => pas d’émotions associées et pas de représentations psychiques.  Juste quelques éprouvés physiques.

 

 

Il nous paraissait aussi important de vous soumettre une réflexion et un questionnement de J.-M. D qui ont fait écho en nous :

 

1)     Comment aborder ces malades en thérapie alors que paradoxalement si la maladie peut mettre en danger la vie de ces personnes, elle est aussi destinée à les protéger d’un dommage psychique.

2)     « Les drames somatiques sont souvent les signes d’inexprimables drames psychologiques.  Signes porteurs d’un message pour la psyché même s’ils semblent échapper à la représentation, mais le corps au même titre que l’esprit est soumis à sa propre forme de répétition-compulsion.

Comment entendre ces signes ?

Comment les décoder afin de les rendre symboliques ?

Comment espérons-nous pouvoir les rendre symboliques, donc communicables au travers du langage.

Ces patients sont-ils d’accord ?

Si les résistances sont trop fortes, est-ce souhaitable de les lever ? »

 

Marcel a actuellement 15 ans.  Cela fait 3 ans que l’asthme n’est plus réapparu.  Il n’y a pas eu d’autres décompensations somatiques.  Par contre, il fume depuis 6 mois.  Alors est-ce momentané (adolescence) ou bien est-ce le début d’un phénomène d’addiction remplaçant l’asthme ? …

 

La question reste ouverte.

 

Quand le chagrin ne trouve pas d’issue dans les larmes, ce sont d’autres organes qui pleurent

Henry Maudsley

 

                                                                                           

 

                                                                                 J. Baudet-Cordier

 
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